Instituto Superior de Ciências do Trabalho e da Empresa - ISCTE
Secção Autónoma de Direito
Mestrado "Novas Fronteiras do Direito"
Actualizado em Setembro de 2005
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Novas Fronteiras do Direito
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ISCTE, 10 de Outubro de 2005
          Os Novos Territórios do Direito 
          Globalização, Europeização e transformação da regulação jurídica


Sumário da intervenção de Pierre Lascoumes   [voltar ao programa do colóquio]

    «L’action  publique   vue  sous  l’angle  de  ses  instruments»

Préambule

I – Technologies du gouvernement et étude de l’action publique par les instruments

II – L’entrée par les instruments pour caractériser les changements

1- L’innovation instrumentale en matière de politique environnementale

2 – Un instrument transnational, la MOC ou quand l’instrument tient lieu de politique

Conclusion


Le succès d’une notion aussi large que « la gouvernance » est un indicateur de changements très importants intervenus durant ces trente dernières années  dans le rôle normatif de l’Etat. Le modèle archétypal de l’Etat centralisé agissant sur le mode wébérien de la contrainte légitime, celui qui avait des relations essentiellement hiérarchique avec ses administrés (sujets individuels et collectifs), qui définissait seul le « bien public » loin des passions et des intérêts égoïstes et qui agissait le plus souvent par la menace dissuasive d’une sanction ; ce modèle tutélaire et balistique est aujourd’hui dépassé.

Les analystes de « la gouvernance » s’accordent pour considérer qu’aujourd’hui l’Etat sous sa forme ancienne n’est plus qu’un acteur de l’action publique parmi beaucoup d’autres, qu’il négocie ses objectifs et ses moyens avec ses partenaires, que les niveaux d’action territorial (local, régional, national, international, etc.) s’entre-mêlent et que ses techniques de gouvernement sont plus incitatives que contraignantes, qu’il cadre et oriente, plus qu’il ne dirige et sanctionne.

            Les dynamiques de croissance de l’État au XXe siècle ont été accompagnées de deux grands types de phénomènes de recomposition de l’État. D’un côté, un développement et une diversification considérable de ses domaines d’intervention, qui se traduisent aujourd’hui par une accumulation de programmes et un labyrinthe de politiques publiques désectorisées, chacune s’appuyant et/ou dépendant d’autres. D’un autre côté,  on observe également un mouvement continu depuis les années cinquante d’innovations dans les formes d’intervention de l’Etat. La réglementation juridique et le prélèvement fiscal (impôts, taxes) qui ont dominé depuis le début du XIX° siècle ne sont plus aujourd’hui qu’une forme parmi d’autres. La généralisation des formes de planification (nationale, territoriale, sectorielle) en est l’exemple le plus frappant. Mais on observe actuellement la multiplication d’instruments d’information, de négociation, de participation,  des instruments conventionnels (public-privé), d’expertise et de standardisation (normes ISO) etc.

C’est en essayant de travailler un peu plus précisément sur les transformations contemporaines des outils de l’action publique, sur ce que l’on nomme un peu rapidement les « nouvelles régulations » que je me suis intéressé particulièrement aux questions du « Comment gouverne-t-on ? ». Cette question a connu une formulation contemporaine avec la notion de « gouvernementalité » chez M. Foucault, au sens de l’art de conduire les sociétés humaines. Il, voulait ainsi renouveler la réflexion sur l’Etat en s’attachant à sa matérialité, ses pratiques, au-delà des rhétoriques idéologiques. Dans une première partie je rappellerai les principales caractéristiques de cette approche.

Dans un second temps et pour être plus concret sur l’intérêt de cette perspective je développerai deux exemples de « régulation via des procédures ». C'est-à-dire des dispositifs de mise en relation de différentes catégories d’acteurs, aux objectifs en grande partie indéterminés, mais qui conduisent les acteurs à avoir des interactions spécifiques pour produire des connaissances, élaborer des compromis, effectuer des démarches d’apprentissage. Tout d’abord, des exemples français de nouveaux instruments d’action en particulier sur les questions de gestion de risques et d’aménagement du territoire. Ensuite et pour terminer, je prendrai l’exemple d’un outil transnational la « méthode ouverte de coordination » qui est typique de ces modes d’actions supra-étatiques qui prennent la forme de méta-instrument.  

I – Technologies du gouvernement et étude de l’action publique par les instruments  
            
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La sociologie de l’État et du gouvernement s’intéresse depuis longtemps à la question des technologies de gouvernement. Ainsi les premiers auteurs de la science camérale ou N. Elias lorsqu’il étudie la place de « l’étiquette » (le code de conduite des courtisans) dans la société de cour du XVIII° siècle.  Les exemples les plus connus sont les travaux sur la bureaucratie dans la tradition wébérienne (recrutement, formation, pouvoirs des fonctionnaires), ou ceux qui concernent l’histoire et les usages sociaux des statistiques démographiques, économiques, judiciaires. Ce sont là typiquement des « instruments d’action publique » comme on les appelle aujourd’hui. Mais, peu de travaux ont mis directement ce thème au centre de leur analyse.

Le seul vrai courant de recherche constitué sur le sujet est anglo-saxon et il est centré sur la question des instruments de régulation économique. Beaucoup de travaux sur le management public ou les théories de la régulation publique se aussi sont intéressés à cette question, mais leur approche est essentiellement fonctionnaliste. Ils cherchent à expliquer les échecs de l’action publique, les phénomènes d’ineffectivité (de mise en œuvre partielle ou lacunaire) ou d’inefficacité (la mise en œuvre ne produit pas les résultats obtenus) par un mauvais choix d’instruments. Ils seraient inadéquats aux objectifs poursuivis, les acteurs ne pourraient les intégrer dans leurs pratiques, etc.

Ces travaux ont souvent un débouché prescriptif et les auteurs sont en général à la recherche des « bons » instruments qui ne présenteraient pas les défauts indiqués ci-dessus. L’essentiel des travaux de politique publique consacrés à la question de l’instrumentation est marqué d’une forte orientation fonctionnaliste qui se caractérise par quatre traits :

– l’action publique est fondamentalement conçue dans un sens pragmatique, c’est-à-dire comme une démarche politico-technique de résolution de problèmes via des instruments ;

– on raisonne en termes de naturalité de ces instruments qui sont considérés comme étant « à disposition » et qui ne poseraient que des questions en termes de meilleure adéquation possible aux objectifs retenus ;

– la question de l’efficacité des instruments est la problématique centrale. Les travaux sur la mise en œuvre des politiques consacrent une grande part de leurs investigations à l’analyse de la pertinence des instruments et à l’évaluation des effets créés ;

– face aux lacunes des outils classiques, et toujours dans un but pragmatique, la recherche de nouveaux instruments est très souvent envisagée, soit pour offrir une branche d’alternative aux instruments habituels (dont les limites ont été démontrées par les nombreux travaux sur la mise en œuvre), soit pour concevoir des méta-instruments permettant une coordination des instruments traditionnels. 

Les travaux de FOUCAULT (dans la période 1978-1985) permettent de penser différemment la question des technologies de gouvernement. Il utilise les notions de « gouvernementalité » et « d’instrumentation » pour rompre avec une conception essentialiste de l’Etat. Il veut souligner un changement dans les formes d’exercice du pouvoir durant le XIX° siècle qui résulte d’un processus de rationalisation et de technicisation. Cette nouvelle rationalité politique s’appuie sur deux éléments fondamentaux : des appareils spécifiques de gouvernement, et un ensemble de savoirs, plus précisément de systèmes de connaissance. Les deux sont articulés pour constituer les dispositifs de sécurité de la police générale. Ces techniques et savoirs s’appliquent à un nouvel ensemble, « la population » pensée comme une totalité de ressources et de besoins. C’est l’économie politique qui fonde cette catégorie en définissant un acteur collectif et en l’envisageant comme une source de richesse potentielle. De là découle une transformation centrale dans la conception de l’exercice du pouvoir. Il ne s’agit plus de conquérir et de posséder, mais de produire, de susciter, d’organiser la population afin de lui permettre de développer toutes ses propriétés. Cette gouvernementalité ( la « Polizei » allemande et la « Policy » anglaise) est dotée d’une rationalité politique propre ayant une double composante. Une rationalité de but qui énonce l’interdépendance entre productivité de la société civile et puissance de l’Etat. Elle est complétée par une rationalité de moyens qui se traduit par des pratiques concrètes en matière de sûreté, d’économie et de culture (éducation, santé, commerce, arts, etc.) qui sont autant de missions essentielles de l’Etat. Il inverse ainsi le regard et considère que la question centrale est celle de l’étatisation de la société, c’est à dire le développement d’un ensemble de dispositifs concrets, de pratiques par lesquels s’exerce matériellement le pouvoir. Dans l’analyse des pratiques il met l’accent sur l’exercice de la discipline qui est pour lui au moins aussi importante que la contrainte. Contrairement à la conception traditionnelle d’un pouvoir descendant, autoritaire fonctionnant à l’injonction et à la sanction, il propose une conception disciplinaire qui repose sur des techniques concrètes de cadrage des individus qui permettent de conduire à distance leurs conduites.

L’instrumentation de l’action publique est donc un moyen d’orienter les relations entre la société politique (via l’exécutif administratif) et la société civile (via ses sujets administrés) par des intermédiaires, des dispositifs mêlant des composantes techniques (mesure, calcul, règle de droit, procédure) et sociales (représentation, symbole). Cette instrumentation s’exprime dans une forme plus ou moins standardisée qui constitue un passage obligé pour l’action publique et mêle des obligations, des rapports financiers (prélèvements fiscaux/aides économiques) et des moyens de connaissance des populations (observations statistiques).

La question a été reprise sous une autre forme par deux types d’analyse de sociologie politique. Tout d’abord, par les travaux qui s’attachent aux phénomènes de légitimation / délégitimation du pouvoir démocratique. Ils s’intéressent alors aux critères de sélection des instruments et aux justifications de ces choix [Salamon, 1989, 2002] Ex : pourquoi, taxer plutôt que réglementer, qu’est-ce que planifier ou organiser de la concertation ? Ensuite, des auteurs se sont intéressés aux instruments pour caractériser et comprendre les ruptures et les continuités de l’action publique [Hall, 1986]. L’idée n’est pas neuve et des auteurs avaient déjà conclu que le changement de politique publique passe davantage par les recettes que par les grandes finalités  [Bruno Jobert, 1994]. En d’autres termes, le changement peut passer par les instruments, les techniques, sans accord sur les buts ou les principes des réformes. En suivant de près la dynamique qui se joue autour des instruments on peut éviter de se tromper sur les degrés réels de changement et sur les dynamiques de transformation.

L’analyse par les instruments peut servir de balise pour caractériser le changement, car il est possible d’envisager toutes les combinaisons possibles : 1 - un changement d’instrument sans changement de but, 2 - la modification de l’utilisation ou du degré d’utilisation d’instruments existants, 3 - des changements d’objectif nécessitant le changement d’instrument, 4 - des changements d’instrument qui modifient les objectifs et les résultats, entraînant progressivement des changements d’objectif. De plus, cette approche par les instruments est un type de raisonnement qui permet de dépasser la coupure sommaire entre politics et policies.

Notre réflexion s’organise autour de deux hypothèses principales : 1 – le choix des instruments est révélateur d’une théorisation politique (plus ou moins explicite), c'est-à-dire  du rapport gouvernant / gouverné. Dans ce sens, on peut avancer que chaque instrument constitue une forme condensée et finalisée de savoir sur le pouvoir social et sur les façons de l’exercer. Gaston Bachelard disait que les instruments techniques sont toujours la « concrétisation d’une théorie ». Pour nous, les choix d’instruments sont significatifs des choix de politiques publiques et des caractéristiques de ces dernières. Le type d’instrument retenu, les propriétés de celui-ci et les justifications de ces choix nous semblent souvent plus révélateurs que les exposés des motifs et les rationalisations discursives ultérieures.

2 – deuxième hypothèse, les instruments à l’œuvre ne sont pas des dispositifs neutres, ils produisent des effets spécifiques indépendants des objectifs poursuivis. Ils produisent des représentations spécifiques des enjeux sociaux et tendent à structurer selon leur logique propre l’action publique.

II – L’entrée par les instruments pour caractériser les changements         [voltar ao índice]

La perspective « instruments » permet de tracer des changements au-delà des dispositifs institutionnels ou des discours d’acteurs. Depuis les travaux de P. Hall (supra) sur les régulations économiques, de nombreux travaux de politiques publiques dits « néo-institutionnalistes » accordent une place importante aux questions de choix et de justification des instruments, ainsi qu’à la façon dont les acteurs les utilisent et/ou subissent leurs contraintes. C’est dans le domaine des politiques sociales (sécurité sociale et retraites principalement) que les travaux sont aujourd’hui les plus nombreux (G. Esping-Andersen, B. Palier).

1- L’innovation instrumentale en matière de politique environnementale       [voltar ao índice]

Je donnerai ici quelques exemples de l’apport de cette perspective pour la caractérisation des politiques de « l’environnement » qui sont depuis trente ans des terrains d’expérimentation et de renouvellement des instruments d’intervention de l’action publique. L’importance de l’innovation est frappante quel que soit le sous-secteur considéré (protection des espèces et des milieux, risques industriels, etc.). Au départ, les gouvernants ont eu recours à des instrumentaux législatifs classiques de surveillance et de contrôle (déclarations, autorisations) d’un côté, et à des instruments économiques et fiscaux (subventions, taxes) de l’autre. Mais très rapidement, dès le milieu des années soixante dix, on a pu constater partout (en Europe particulièrement) l’invention de technologie originales afin d’organiser des régulations spécifiques (inventaires et nomenclatures, classements et zonages, planification, obligations d’information et de participation des populations, etc .).

Que nous apprend ce foisonnement sur les spécificités des politiques environnementales et sur leurs évolutions ? Tout d’abord, lorsqu’à partir des années soixante ont été progressivement définis les nouveaux enjeux environnementaux, les modèles de référence étaient peu nombreux. Certes on trouvait des sources d’inspiration dans la politique forestière, celle de surveillances des établissements industriels dangereux, de protection du patrimoine historique, mais aussi dans celle de la santé publique. Chaque enjeu émergent présentait, cependant, des traits propres qui exigeaient des modes d’intervention spécifiques qui ne se satisfaisaient pas de solutions pré-existantes. Ainsi, comment transformer en question gouvernable des problèmes comme la pollution atmosphérique, la qualité de la ressource en eau, la lutte contre les marées noires, ou la surveillance des OGM ? C’est à travers le jeu d’instruments que le politique s’est saisi de ces questions et les a intégrées dans des modèles de régulation. La qualification en enjeu politique de situations qui relevaient jusque là de catégories scientifiques ou du techniques a eu lieu à travers l’utilisation d’artefacts, d’intermédiaires, de dispositifs qui les ont objectivité par la mesure (indices de pollution pour l’air et les sols, ou de qualité pour l’eau), l’inventaire (procédure Eu Natura 2000), l’expertise (risques de diffusion des OGM). Ensuite, chacun de ces enjeux était doté d’une complexité particulière qui se traduisait par la nécessité d’évaluer et d’ajuster leurs aspects scientifiques et techniques avec des dimensions économiques, sociales et politiques. Autour de chaque enjeu l’analyse montrait des réseaux d’acteurs hétérogènes (acteurs économiques, scientifiques, associatifs, politiques). Chacun a un rapport particulier à l’enjeu, l’estime légitime et entend le faire reconnaître par l’action publique. Là encore, c’est à travers la mise en place d’instruments spécifiques que la puissance publique cherche à concilier les représentations et les intérêts divergents de ces acteurs. Les obligations d’information, de participation, de négociation territoriale et nationale cherchent à produire entre ces acteurs des « mondes communs », des représentations partagées, ainsi que des accords sur des démarches et parfois sur des objectifs.  
 

2 – Un instrument transnational, la MOC ou quand l’instrument tient lieu de politique  
              
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Le Conseil européen de Lisbonne en mars 2000 est considéré comme l’acte de baptême d’un nouvel instrument dans la panoplie des politiques européennes, la « méthode ouverte de coordination » (MOC). Dans la grande tradition européenne, l’Union s’est ainsi fixée « un nouvel objectif stratégique pour la décennie à venir ». Il ne manque pas d’ambition et vise à assurer « une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». Plus précisément, il s’agit d’une systématisation méthodologique qui contraste avec le style habituel des déclarations politiques EU. Qui sont plus portées sur l’annonce de grands projets que sur la présentation de la marche à suivre pour les réaliser. Le message est clair : il s’agit de mettre en place une nouvelle méthode qui se distingue de la « méthode communautaire » classique.

L’objectif est d’aider les États membres à développer progressivement leurs propres politiques:

- l’Union définit des lignes directrices et des calendriers spécifiques pour réaliser les objectifs à court, moyen et long termes,

- L’Union établit des indicateurs quantitatifs et qualitatifs et des critères d’évaluation par rapport aux meilleures performances mondiales, afin de permettre aux États membres de pouvoir se comparer aux meilleures pratiques ;

- A partir des lignes directrices européennes, chaque Etat membre définit ses politiques nationales et régionales et des objectifs spécifiques tenant compte de ses spécificités

- Chaque Etat est tenu de procéder périodiquement à un suivi, et il subit une évaluation et un examen par les pairs, ce qui permettra à chacun d’en tirer des enseignements.

Cette méthodologie présente quatre caractéristiques principales :

·           elle est normative par la définition de standarts, mais souple en laissant une marge d’adaptation importante à chaque Etat (très éloignée de la forme « directive »)

·           elle est mobilisatrice en incitant chaque Etat à faire un travail d’auto-analyse et de propositions sur des objectifs définis en fonction de calendriers

·           elle est pédagogique et vise l’apprentissage car elle met en valeur de « bons modèles », oblige chaque Etat à se confronter à eux et à subir un contrôle par les pairs

·           enfin, elle est incitative car elle vise à produire des jugements et à termes des classements, elle joue ainsi sur la compétition des réputations.

Trois grands types d’observation critique sont faites aujourd’hui sur la MOC (Caviedes, Dehousse). Tout d’abord, la nouveauté n’est que relative. Le souci de préserver les spécificités nationales, comme celui de mettre à l’oeuvre des mécanismes de coopération  existent déjà. Le processus de Lisbonne s’est surtout efforcé de systématiser le recours à des formes souples de coordination et de les intégrer dans une stratégie globale, en s’appuyant sur un discours qui se voulait novateur.

Ensuite les finalités sont assez floues. Le degré de convergence recherché varie d’un secteur à l’autre. Mais surtout,  l’accent mis sur la méthode cache des divergences assez sensibles quant aux objectifs premiers de l’action européenne. C’est ce qui explique le choix d’une approche fort peu contraignante pour les États. C’est l’ambiguïté de la méthode qui explique en grande partie le succès d’estime dont jouit la MOC. Il est aisé à tout entrepreneur politique de couler ses propositions dans le langage moderniste de Lisbonne. La présidence suédoise a cherché à en tirer profit pour ses plans en matière d’environnement, la Commission a fait de même avec un succès limité en matière d’immigration.

Enfin, cette ambiguïté est aussi révélatrice de fortes tensions entre des conceptions politiques différentes, voire antagonistes : tension entre la logique « sectorielle » qui sous-tend le processus et la volonté affichée à Lisbonne d’assurer par le haut un équilibre entre objectifs économiques et objectifs sociaux ; tension entre l’accent mis sur le traitement technique des problèmes par des réseaux d’experts et la volonté de politiser les arbitrages ; tension entre le recours au benchmarking et le refus de la moindre contrainte.

Si la MOC peut aider à enclencher des processus de réforme nationaux, elle est très  insuffisante dans les domaines où la convergence est impérative. Cette procédure souple de coordination ne pourra pas longtemps servir d’alibi aux responsables qui désirent donner l’illusion d’une action au niveau européen, sans véritablement s’engager.


Conclusion  
      
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1 – Regarder les politiques publiques et leur mode de régulation via l’instrumentation permet de clarifier les styles (les modes) de gouvernement, et de mieux caractériser les transformations contemporaines de l’action publique (expérimentation croissante de nouveaux instruments, coordination entre instruments). Max Weber insistait dans ses analyses sur l’interdépendance de l’administration et de ses techniques avec la domination : « Toute domination se manifeste et fonctionne comme administration. Toute administration a besoin d’une forme quelconque de domination. » L’administration constitue, selon Weber, l’ensemble de pratiques le mieux adapté à la domination rationnelle légale. Derrière l’instrument il y a toujours une question de pouvoir. Caractériser l’instrumentation c’est mieux comprendre les modes d’exercice de la puissance.

2 – S’intéresser à l’instrumentation permet aussi de se dégager des déclarations d’intention pour s’attacher aux pratiques. Dans ce sens l’affichage d’un instrument peu être trompeur et l’analyse révèle l’ambiguïté des choix. En effet, les accords sont plus faciles à réaliser entre acteurs sur les moyens que sur les objectifs. Débattre des instruments peut être une manière de structurer un espace d’échanges de négociations et d’accords à court terme, tout en laissant de côté les enjeux qui sont les plus problématiques. La recherche de nouveaux instruments et leur renouvellement constant est souvent une manière d’évacuer les questions politiques. C’est un reproche que l’on peut adresser au « nouveau management public » qui est en réalité une promotion des conceptions les plus néo-libérales [Hood, 1998]. Pour les élites gouvernementales, le débat sur les instruments peut être un utile masque de fumée pour dissimuler des objectifs moins avouables, pour dépolitiser des questions fondamentalement politiques, pour créer un consensus minimum de réforme en s’appuyant sur l’apparente neutralité d’instruments présentés comme moderne, dont les effets propres se font sentir dans la durée.

Pierre Lascoumes, septembre 2005

 


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Actualizado em Setembro de 2005
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