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Superior de Ciências do Trabalho e da Empresa - ISCTE |
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Novas
Fronteiras do Direito
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«L’action publique vue sous l’angle de ses instruments» I – Technologies du gouvernement et étude de l’action publique par les instruments II – L’entrée par les instruments pour caractériser les changements 1-
L’innovation instrumentale en matière de politique environnementale 2
– Un instrument transnational, la MOC ou quand l’instrument tient lieu de
politique
Les
analystes de « la gouvernance » s’accordent pour considérer
qu’aujourd’hui l’Etat sous sa forme ancienne n’est plus qu’un acteur
de l’action publique parmi beaucoup d’autres, qu’il négocie ses objectifs
et ses moyens avec ses partenaires, que les niveaux d’action territorial
(local, régional, national, international, etc.) s’entre-mêlent et que ses
techniques de gouvernement sont plus incitatives que contraignantes, qu’il
cadre et oriente, plus qu’il ne dirige et sanctionne. Les dynamiques de croissance de l’État au XXe siècle ont été accompagnées de deux grands types de phénomènes de recomposition de l’État. D’un côté, un développement et une diversification considérable de ses domaines d’intervention, qui se traduisent aujourd’hui par une accumulation de programmes et un labyrinthe de politiques publiques désectorisées, chacune s’appuyant et/ou dépendant d’autres. D’un autre côté, on observe également un mouvement continu depuis les années cinquante d’innovations dans les formes d’intervention de l’Etat. La réglementation juridique et le prélèvement fiscal (impôts, taxes) qui ont dominé depuis le début du XIX° siècle ne sont plus aujourd’hui qu’une forme parmi d’autres. La généralisation des formes de planification (nationale, territoriale, sectorielle) en est l’exemple le plus frappant. Mais on observe actuellement la multiplication d’instruments d’information, de négociation, de participation, des instruments conventionnels (public-privé), d’expertise et de standardisation (normes ISO) etc. C’est
en essayant de travailler un peu plus précisément sur les transformations
contemporaines des outils de l’action publique, sur ce que l’on nomme un peu
rapidement les « nouvelles régulations » que je me suis intéressé particulièrement
aux questions du « Comment gouverne-t-on ? ». Cette question a connu une
formulation contemporaine avec la notion de « gouvernementalité » chez M.
Foucault, au sens de l’art de conduire les sociétés humaines. Il, voulait
ainsi renouveler la réflexion sur l’Etat en s’attachant à sa matérialité,
ses pratiques, au-delà des rhétoriques idéologiques. Dans une première
partie je rappellerai les principales caractéristiques de cette approche. Dans
un second temps et pour être plus concret sur l’intérêt de cette
perspective je développerai deux exemples de « régulation via des procédures
». C'est-à-dire des dispositifs de mise en relation de différentes catégories
d’acteurs, aux objectifs en grande partie indéterminés, mais qui conduisent
les acteurs à avoir des interactions spécifiques pour produire des
connaissances, élaborer des compromis, effectuer des démarches
d’apprentissage. Tout d’abord, des exemples français de nouveaux
instruments d’action en particulier sur les questions de gestion de risques et
d’aménagement du territoire. Ensuite et pour terminer, je prendrai
l’exemple d’un outil transnational la « méthode ouverte de coordination »
qui est typique de ces modes d’actions supra-étatiques qui prennent la forme
de méta-instrument. I
– Technologies du gouvernement et étude de l’action publique par les
instruments La
sociologie de l’État et du gouvernement s’intéresse depuis longtemps à la
question des technologies de gouvernement. Ainsi les premiers auteurs de la
science camérale ou N. Elias lorsqu’il étudie la place de « l’étiquette
» (le code de conduite des courtisans) dans la société de cour du XVIII° siècle.
Les exemples les plus connus sont les travaux sur la bureaucratie dans la
tradition wébérienne (recrutement, formation, pouvoirs des fonctionnaires), ou
ceux qui concernent l’histoire et les usages sociaux des statistiques démographiques,
économiques, judiciaires. Ce sont là typiquement des « instruments
d’action publique » comme on les appelle aujourd’hui. Mais, peu de travaux
ont mis directement ce thème au centre de leur analyse. Le
seul vrai courant de recherche constitué sur le sujet est anglo-saxon et il est
centré sur la question des instruments de régulation économique. Beaucoup de
travaux sur le management public ou les théories de la régulation publique se
aussi sont intéressés à cette question, mais leur approche est
essentiellement fonctionnaliste. Ils cherchent à expliquer les échecs de
l’action publique, les phénomènes d’ineffectivité (de mise en œuvre
partielle ou lacunaire) ou d’inefficacité (la mise en œuvre ne produit pas
les résultats obtenus) par un mauvais choix d’instruments. Ils seraient inadéquats
aux objectifs poursuivis, les acteurs ne pourraient les intégrer dans leurs
pratiques, etc. Ces
travaux ont souvent un débouché prescriptif et les auteurs sont en général
à la recherche des « bons » instruments qui ne présenteraient pas les défauts
indiqués ci-dessus. L’essentiel des travaux de politique publique consacrés
à la question de l’instrumentation est marqué d’une forte orientation
fonctionnaliste qui se caractérise par quatre traits : –
l’action publique est fondamentalement conçue dans un sens pragmatique,
c’est-à-dire comme une démarche politico-technique de résolution de problèmes
via des instruments ; –
on raisonne en termes de naturalité de ces instruments qui sont considérés
comme étant « à disposition » et qui ne poseraient que des questions en
termes de meilleure adéquation possible aux objectifs retenus ; –
la question de l’efficacité des instruments est la problématique centrale.
Les travaux sur la mise en œuvre des politiques consacrent une grande part de
leurs investigations à l’analyse de la pertinence des instruments et à l’évaluation
des effets créés ; – face aux lacunes des outils classiques, et toujours dans un but pragmatique, la recherche de nouveaux instruments est très souvent envisagée, soit pour offrir une branche d’alternative aux instruments habituels (dont les limites ont été démontrées par les nombreux travaux sur la mise en œuvre), soit pour concevoir des méta-instruments permettant une coordination des instruments traditionnels. Les
travaux de FOUCAULT (dans la période 1978-1985) permettent de penser différemment
la question des technologies de gouvernement. Il utilise les notions de «
gouvernementalité » et « d’instrumentation » pour rompre avec une
conception essentialiste de l’Etat. Il veut souligner un changement dans les
formes d’exercice du pouvoir durant le XIX° siècle qui résulte d’un
processus de rationalisation et de technicisation. Cette nouvelle rationalité
politique s’appuie sur deux éléments fondamentaux : des appareils spécifiques
de gouvernement, et un ensemble de savoirs, plus précisément de systèmes de
connaissance. Les deux sont articulés pour constituer les dispositifs de sécurité
de la police générale. Ces techniques et savoirs s’appliquent à un nouvel
ensemble, « la population » pensée
comme une totalité de ressources et de besoins. C’est l’économie politique
qui fonde cette catégorie en définissant un acteur collectif et en
l’envisageant comme une source de richesse potentielle. De là découle une
transformation centrale dans la conception de l’exercice du pouvoir. Il ne
s’agit plus de conquérir et de posséder, mais de produire, de susciter,
d’organiser la population afin de lui permettre de développer toutes ses
propriétés. Cette gouvernementalité ( la « Polizei » allemande et la «
Policy » anglaise) est dotée d’une rationalité politique propre ayant une
double composante. Une rationalité de but qui énonce l’interdépendance
entre productivité de la société civile et puissance de l’Etat. Elle est
complétée par une rationalité de moyens qui se traduit par des pratiques
concrètes en matière de sûreté, d’économie et de culture (éducation,
santé, commerce, arts, etc.) qui sont autant de missions essentielles de
l’Etat. Il inverse ainsi le regard et considère que la question centrale est
celle de l’étatisation de la société, c’est à dire le développement
d’un ensemble de dispositifs concrets, de pratiques par lesquels s’exerce
matériellement le pouvoir. Dans l’analyse des pratiques il met l’accent sur
l’exercice de la discipline qui est pour lui au moins aussi importante que la
contrainte. Contrairement à la conception traditionnelle d’un pouvoir
descendant, autoritaire fonctionnant à l’injonction et à la sanction, il
propose une conception disciplinaire qui repose sur des techniques concrètes de
cadrage des individus qui permettent de conduire à distance leurs conduites. L’instrumentation de l’action publique est donc un moyen d’orienter les relations entre la société politique (via l’exécutif administratif) et la société civile (via ses sujets administrés) par des intermédiaires, des dispositifs mêlant des composantes techniques (mesure, calcul, règle de droit, procédure) et sociales (représentation, symbole). Cette instrumentation s’exprime dans une forme plus ou moins standardisée qui constitue un passage obligé pour l’action publique et mêle des obligations, des rapports financiers (prélèvements fiscaux/aides économiques) et des moyens de connaissance des populations (observations statistiques). La
question a été reprise sous une autre forme par deux types d’analyse de
sociologie politique. Tout d’abord, par les travaux qui s’attachent aux phénomènes
de légitimation / délégitimation du pouvoir démocratique. Ils s’intéressent
alors aux critères de sélection des instruments et aux justifications de ces
choix [Salamon, 1989, 2002] Ex : pourquoi, taxer plutôt que réglementer,
qu’est-ce que planifier ou organiser de la concertation ? Ensuite, des auteurs
se sont intéressés aux instruments pour caractériser et comprendre les
ruptures et les continuités de l’action publique [Hall, 1986]. L’idée
n’est pas neuve et des auteurs avaient déjà conclu que le changement de
politique publique passe davantage par les recettes que par les grandes finalités
[Bruno Jobert, 1994]. En d’autres termes, le changement peut passer par
les instruments, les techniques, sans accord sur les buts ou les principes des réformes.
En suivant de près la dynamique qui se joue autour des instruments on peut éviter
de se tromper sur les degrés réels de changement et sur les dynamiques de
transformation. L’analyse par les instruments peut servir de balise pour caractériser le changement, car il est possible d’envisager toutes les combinaisons possibles : 1 - un changement d’instrument sans changement de but, 2 - la modification de l’utilisation ou du degré d’utilisation d’instruments existants, 3 - des changements d’objectif nécessitant le changement d’instrument, 4 - des changements d’instrument qui modifient les objectifs et les résultats, entraînant progressivement des changements d’objectif. De plus, cette approche par les instruments est un type de raisonnement qui permet de dépasser la coupure sommaire entre politics et policies. Notre
réflexion s’organise autour de deux hypothèses principales : 1 – le choix
des instruments est révélateur d’une théorisation politique (plus ou moins
explicite), c'est-à-dire du
rapport gouvernant / gouverné. Dans ce sens, on peut avancer que chaque
instrument constitue une forme condensée et finalisée de savoir sur le pouvoir
social et sur les façons de l’exercer. Gaston Bachelard disait que les
instruments techniques sont toujours la « concrétisation d’une théorie ».
Pour nous, les choix d’instruments sont significatifs des choix de politiques
publiques et des caractéristiques de ces dernières. Le type d’instrument
retenu, les propriétés de celui-ci et les justifications de ces choix nous
semblent souvent plus révélateurs que les exposés des motifs et les
rationalisations discursives ultérieures. 2
– deuxième hypothèse, les instruments à l’œuvre ne sont pas des
dispositifs neutres, ils produisent des effets spécifiques indépendants des
objectifs poursuivis. Ils produisent des représentations spécifiques des
enjeux sociaux et tendent à
structurer selon leur logique propre l’action publique. II – L’entrée par les instruments pour caractériser les changements [voltar ao índice] La
perspective « instruments » permet de tracer des changements au-delà des
dispositifs institutionnels ou des discours d’acteurs. Depuis les travaux de
P. Hall (supra) sur les régulations économiques, de nombreux travaux de
politiques publiques dits « néo-institutionnalistes » accordent une place
importante aux questions de choix et de justification des instruments, ainsi
qu’à la façon dont les acteurs les utilisent et/ou subissent leurs
contraintes. C’est dans le domaine des politiques sociales (sécurité sociale
et retraites principalement) que les travaux sont aujourd’hui les plus nombreux
(G. Esping-Andersen, B. Palier). 1-
L’innovation instrumentale en matière de politique environnementale Je
donnerai ici quelques exemples de l’apport de cette perspective pour la caractérisation
des politiques de « l’environnement » qui sont depuis trente ans des
terrains d’expérimentation et de renouvellement des instruments
d’intervention de l’action publique. L’importance de l’innovation est
frappante quel que soit le sous-secteur considéré (protection des espèces et
des milieux, risques industriels, etc.). Au départ, les gouvernants ont eu
recours à des instrumentaux législatifs classiques de
surveillance et de contrôle (déclarations, autorisations) d’un côté, et à
des instruments économiques et fiscaux (subventions, taxes) de l’autre. Mais
très rapidement, dès le milieu des années soixante dix, on a pu constater
partout (en Europe particulièrement) l’invention de technologie originales
afin d’organiser des régulations spécifiques (inventaires et nomenclatures,
classements et zonages, planification, obligations d’information et de
participation des populations, etc .). Que
nous apprend ce foisonnement sur les spécificités des politiques
environnementales et sur leurs évolutions ? Tout d’abord, lorsqu’à partir
des années soixante ont été progressivement définis les nouveaux enjeux
environnementaux, les modèles de référence étaient peu nombreux. Certes on
trouvait des sources d’inspiration dans la politique forestière, celle de
surveillances des établissements industriels dangereux, de protection du
patrimoine historique, mais aussi dans celle de la santé publique. Chaque
enjeu émergent présentait, cependant, des traits propres qui exigeaient des
modes d’intervention spécifiques qui ne se satisfaisaient pas de solutions pré-existantes.
Ainsi, comment transformer en question gouvernable des problèmes comme la
pollution atmosphérique, la qualité de la ressource en eau, la lutte contre
les marées noires, ou la surveillance des OGM ? C’est à travers le jeu
d’instruments que le politique s’est saisi de ces questions et les a intégrées
dans des modèles de régulation. La qualification en enjeu politique de
situations qui relevaient jusque là de catégories scientifiques ou du techniques
a eu lieu à travers l’utilisation d’artefacts, d’intermédiaires, de
dispositifs qui les ont objectivité par la mesure (indices de pollution pour
l’air et les sols, ou de qualité pour l’eau), l’inventaire (procédure Eu
Natura 2000), l’expertise (risques de diffusion des OGM). Ensuite, chacun de
ces enjeux était doté d’une complexité particulière qui se traduisait par
la nécessité d’évaluer et d’ajuster leurs aspects scientifiques et
techniques avec des dimensions économiques, sociales et politiques. Autour de
chaque enjeu l’analyse montrait des réseaux d’acteurs hétérogènes
(acteurs économiques, scientifiques, associatifs, politiques). Chacun a un
rapport particulier à l’enjeu, l’estime légitime et entend le faire
reconnaître par l’action publique. Là encore, c’est à travers la mise en
place d’instruments spécifiques que la puissance publique cherche à
concilier les représentations et les intérêts divergents de ces acteurs. Les
obligations d’information, de participation, de négociation territoriale et
nationale cherchent à produire entre ces acteurs des « mondes communs », des
représentations partagées, ainsi que des accords sur des démarches et parfois
sur des objectifs. 2
– Un instrument transnational, la MOC ou quand l’instrument tient lieu de
politique Le
Conseil européen de Lisbonne en mars 2000 est considéré comme l’acte de
baptême d’un nouvel instrument dans la panoplie des politiques européennes,
la « méthode ouverte de coordination » (MOC). Dans la grande tradition européenne,
l’Union s’est ainsi fixée « un nouvel objectif stratégique pour la décennie
à venir ». Il ne manque pas d’ambition et vise à assurer « une croissance
économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et
qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». Plus précisément,
il s’agit d’une systématisation méthodologique qui contraste avec le style
habituel des déclarations politiques EU. Qui sont plus portées sur l’annonce
de grands projets que sur la présentation de la marche à suivre pour les réaliser.
Le message est clair : il s’agit de mettre en place une nouvelle méthode qui
se distingue de la « méthode communautaire » classique. L’objectif
est d’aider les États membres à développer progressivement leurs propres
politiques: -
l’Union définit des lignes directrices et des calendriers spécifiques pour réaliser
les objectifs à court, moyen et long termes, -
L’Union établit des indicateurs quantitatifs et qualitatifs et des critères
d’évaluation par rapport aux meilleures performances mondiales, afin de
permettre aux États membres de pouvoir se comparer aux meilleures pratiques ; -
A partir des lignes directrices européennes, chaque Etat membre définit ses
politiques nationales et régionales et des objectifs spécifiques tenant compte
de ses spécificités - Chaque Etat est tenu de procéder périodiquement à un suivi, et il subit une évaluation et un examen par les pairs, ce qui permettra à chacun d’en tirer des enseignements. Cette
méthodologie présente quatre caractéristiques principales : ·
elle est normative par la définition de standarts, mais souple en
laissant une marge d’adaptation importante à chaque Etat (très éloignée de
la forme « directive ») ·
elle est mobilisatrice en incitant chaque Etat à faire un travail
d’auto-analyse et de propositions sur des objectifs définis en fonction de
calendriers ·
elle est pédagogique et vise l’apprentissage car elle met en valeur de
« bons modèles », oblige chaque Etat à se confronter à eux et à subir un
contrôle par les pairs ·
enfin, elle est incitative car elle vise à produire des jugements et à
termes des classements, elle joue ainsi sur la compétition des réputations. Trois
grands types d’observation critique sont faites aujourd’hui sur la MOC (Caviedes, Dehousse). Tout d’abord,
la
nouveauté n’est que relative. Le souci de préserver les spécificités
nationales, comme celui de mettre à l’oeuvre des mécanismes de coopération
existent déjà. Le processus de Lisbonne s’est surtout efforcé de
systématiser le recours à des formes souples de coordination et de les intégrer
dans une stratégie globale, en s’appuyant sur un discours qui se voulait
novateur. Ensuite
les finalités sont assez floues. Le degré de convergence recherché varie
d’un secteur à l’autre. Mais surtout,
l’accent mis sur la méthode cache des divergences assez sensibles
quant aux objectifs premiers de l’action européenne. C’est ce qui explique
le choix d’une approche fort peu contraignante pour les États. C’est
l’ambiguïté de la méthode qui explique en grande partie le succès
d’estime dont jouit la MOC. Il est aisé à tout entrepreneur politique de
couler ses propositions dans le langage moderniste de Lisbonne. La présidence
suédoise a cherché à en tirer profit pour ses plans en matière
d’environnement, la Commission a fait de même avec un succès limité en matière
d’immigration. Enfin,
cette ambiguïté est aussi révélatrice de fortes tensions entre des
conceptions politiques différentes, voire antagonistes : tension entre la
logique « sectorielle » qui sous-tend le processus et la volonté affichée à
Lisbonne d’assurer par le haut un équilibre entre objectifs économiques et
objectifs sociaux ; tension entre l’accent mis sur le traitement technique des
problèmes par des réseaux d’experts et la volonté de politiser les
arbitrages ; tension entre le recours au benchmarking et le refus de la moindre
contrainte. Si
la MOC peut aider à enclencher des processus de réforme nationaux, elle est
très insuffisante dans les
domaines où la convergence est impérative. Cette procédure souple de
coordination ne pourra pas longtemps servir d’alibi aux responsables qui désirent
donner l’illusion d’une action au niveau européen, sans véritablement
s’engager. 1
– Regarder les politiques publiques et leur mode de régulation via
l’instrumentation permet de clarifier les styles (les modes) de gouvernement,
et de mieux caractériser les transformations contemporaines de l’action
publique (expérimentation croissante de nouveaux instruments, coordination
entre instruments). Max Weber insistait dans ses analyses sur l’interdépendance
de l’administration et de ses techniques avec la domination : « Toute
domination se manifeste et fonctionne comme administration. Toute administration
a besoin d’une forme quelconque de domination. » L’administration
constitue, selon Weber, l’ensemble de pratiques le mieux adapté à la
domination rationnelle légale. Derrière l’instrument il y a toujours une
question de pouvoir. Caractériser l’instrumentation c’est mieux comprendre
les modes d’exercice de la puissance. Pierre Lascoumes, septembre 2005
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